Au-delà de l’intérêt environnemental, le projet est né d’un besoin de services finalement. D’un côté, les entreprises de TP, fédérées au sein des Canalisateurs, conscientes de la nécessité de valoriser leurs déchets de chantiers, et d’un autre côté, le groupe Elydan, fabricant de tubes lisses et annelés en PE et PP, en manque de matière première régénérée de qualité pour ses produits. Au milieu, un troisième acteur, Frans Bonhomme, distributeur de matériaux pour les TP, qui avec ses moyens logistiques, apporte au projet le dernier maillon du développement d’une nouvelle économie circulaire de valorisation des tuyaux en PE et PP.
Exit le modèle « fabriquer, consommer, jeter ». La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, l’AGEC, impose depuis 2020, la transition vers la mise en place d’une économie circulaire. Pour les industriels du plastique, il s’agira par exemple de trouver des solutions pour sortir du plastique jetable.
L’initiative est locale, en région Auvergne Rhône alpes, et concerne uniquement la valorisation de tous tubes en polyéthylène (PE) et polypropylène (PP) issus de chantiers ou de l’agriculture. L’objectif : récupérer ces déchets pour les réintroduire dans la composition de nouveaux tubes. Un projet vertueux qui a vu le jour début 2022, porté par les besoins de trois partenaires engagés dans la réduction de leur impact environnemental. Si Frans Bonhomme, distributeur de ces produits, a été moteur du projet, conscient qu’il fallait faire quelque chose de ces déchets, les entreprises de travaux représentées par les Canalisateurs, ont adhéré et le fabricant spécialiste de PE et PP, le groupe Elydan y a vu l’opportunité de valoriser ces déchets.
Un discours clair
Missionné dans la région Auvergne-Rhône-Alpes par les Canalisateurs de France pour mettre en place le protocole d’une phase test en région, et motiver les professionnels, l’entrepreneur isérois Nicolas Midali explique : « Dans notre métier de canalisateurs, nous produisons des déchets de tuyaux, qui doivent retourner vers le site de fabrication. C’est important pour la filière, pour notre image, de montrer que nous nous soucions du recyclage de nos déchets. D’ailleurs, aujourd’hui, nous avons déjà organisé le recyclage des déblais et leur réemploi ». L’initiative qui s’adresse aujourd’hui aux adhérents des Canalisateurs du Sud-Est s’appuie sur deux partenaires, France Bonhomme et Elydan. Pour la collecte des déchets et chutes, des big-bags, de 3 à 6 selon que l’on affinera le tri (tubes lisses ou annelés, nature des matériaux, longueur…), sont identifiés sur les chantiers, et seront récupérés par Frans Bonhomme lors de la livraison de matériaux. Ces big-bags vont ensuite être récupérés par Elydan qui procèdera au nettoyage, broyage et extrusion pour en faire des granulés plastique, matière qu’il pourra réintégrer dans ses tubes. « On triait déjà tous de toute manière, en nous appuyant ensuite sur des déchèteries, mais sans savoir où cela allait finalement, explique le chef d’entreprise. L’intérêt, ce qui nous motive à trier, c’est justement de savoir qu’ils serviront à la fabrication de nouveaux tuyaux », précise Nicolas Midali.
Une filière de qualité
Réduire l’impact sur l’environnement fait aussi partie de la stratégie du groupe Elydan qui pour cela, utilise de plus en plus de matière régénérée dans ses produits, tubes lisses et annelés. Encore faut-il trouver de la matière de bonne qualité. « La qualité retrouvée dans la matière régénérée proposée, composée de différentes matières autres que du PE ou PP, voire un mélange des deux, perturbait notre process et la qualité de nos produits, pour lesquels nous avons des obligations de résultats, des engagements en termes de pérennité. C’est pourquoi nous cherchions à développer notre propre filière de valorisation », explique Marc Tassy, directeur général de Valorely, la solution Elydan de valorisation. Si le groupe avait déjà commencé à équiper certains de ses 5 sites en broyeurs et extrudeuses de manière à pouvoir réintégrer ses propres chutes de production, il mise dorénavant sur un projet beaucoup plus ambitieux. « Nous avons souhaité créer notre propre structure pour avoir ainsi une connaissance des produits, de la collecte jusqu’au retour de la matière régénérée dans nos usines », poursuit le responsable.
La solution Valorely, avant tout un service
C’est à Signes, près d’Aubagne que le groupe Elydan a choisi d’investir près de 3 millions d’euros dans une nouvelle ligne de régénération complète sur près de 3 900 m2 de locaux et 12 000m2 de terrain qui sera totalement opérationnelle dès septembre 2023. « Cette situation géographique nous permet de nous rapprocher du monde agricole, puisque nous fabriquons nos produits d’irrigation à Aubagne, potentiellement le secteur le plus demandeur en produits régénérés », explique Marc tassy. Pour l’instant, Elydan profite de sa ligne déjà installée qui lui a permis de commencer à produire depuis le début de l’année grâce aux déchets collectés par Frans Bonhomme, mais pas seulement. « Nous ne sommes pas fermés, reprend-t-il. Nous voulons pouvoir proposer ce service le plus largement possible aux entreprises, soit sur leur site soit sur chantiers toujours avec nos big-bags. Nous avons également mis en place un service pour récupérer directement chez les agriculteurs, dans un rayon de 250 km, les tubes d’enrouleurs usés, de 500 ou 600 m que nous broyons sur place avant de les emmener. »
Entrer dans une économie circulaire
D’après les chiffres fournis par le syndicat (le STRPEPP), en 2020, on estime à 1 million de tonnes de PE consommées dans les BTP, qui génère environ 120 000 tonnes de déchets, soit 12 %, seule la moitié est au mieux brulé pour produire de la chaleur, le reste part en enfouissement. « Il n’existe que très peu d’exutoires pour ces matériaux, reprend Marc Tassy. Il y a encore de l’enfouissement qui se fait et de la production d’énergie, mais nous pensons qu’il est possible de les éviter. » Les objectifs pour Elydan : 2 400 tonnes de déchets recyclés par an pour commencer, puis 6 000 tonnes dans 3 ans, et 8 000 tonnes d’ici 5 ans. En fonction des résultats, ce modèle de collecte pourra être mis en place sur d’autres sites.
D’ici quelques mois, la phase test déterminera si les volumes produits sont suffisants, si le modèle est économiquement rentable et si le bilan carbone satisfaisant pour ensuite peut-être déployer la solution au niveau national. « En Auvergne-Rhône-Alpes, ce test doit prouver que toute la filière, du fabricant à l’utilisateur, en passant par le revendeur, est capable de respecter les consignes de tri mises en place. L’intérêt est aussi d’être en local et d’éviter le transport sur de longues distances », rappelle Marc Tassy.
« Aujourd’hui, le recyclage est une histoire de coût, mais demain, ce sera une nécessité. Nous ne pouvons pas continuer à consommer sans limite les matières premières, et c’est la même chose pour l’eau d’ailleurs »,conclut le représentant des Canalisateurs, Nicolas Midali.