La question résume à elle seule les enjeux qui nous attendent. Alors que le gouvernement vient de faire de l’eau l’un des sujets de la planification écologique, les Canalisateurs ne relâchent pas la pression. Au contraire, Pierre Rampa, président de la fédération a souhaité élargir le débat sur l’eau, car face au changement climatique, alors que l’eau a manqué cet été, la mobilisation nous concerne désormais tous.
La gestion de l’eau fait partie des premiers enjeux de la feuille de route environnementale du gouvernement. Une bonne nouvelle, oui, mais ce n’est pas encore gagné. « Chez les Canalisateurs, l’écologie est désormais au centre de toutes les réflexions », a ainsi expliqué Pierre Rampa devant une assemblée constituée d’entrepreneurs, élus locaux, représentants de la maitrise d’œuvre et maitrise d’ouvrage, réunis le 7 octobre dernier pour la 20e édition des Rencontres Régionales de l’Eau des Canalisateurs du Sud-Est. « Actuellement, nous mettons ainsi tout en œuvre pour réaliser des chantiers écologiquement exemplaires », a-t-il poursuivi tout en rappelant les actions menées dans ce sens, à savoir, la reconnaissance de la qualité des travaux grâce au label Canalisateurs qui sera désormais inscrit sur les cartes professionnelles, ainsi que l’engagement des acteurs dans la baisse des émissions de CO2, et ce, à l’horizon 2030. « Car aujourd’hui, c’est avant tout le changement climatique qui impose des solutions », a-t-il martelé avant de lancer quelques pistes.
Eau et sobriété énergétique, tous concernés
Économiser l’eau participe de la sobriété énergétique. Le renouvellement des réseaux d’eau potable est LA solution mais le chantier est immense. « Programmer la rénovation des réseaux passe d’abord par une bonne connaissance de son patrimoine, insiste Pierre Rampa en s’adressant plus particulièrement aux élus. Par ailleurs, la croissance de l’urbanisme devra elle aussi prendre en compte l’eau potable.» S’agissant de l’industrie, très consommatrice d’eau, plusieurs étudient des solutions par le recyclage. Le secteur de l’agriculture devra aussi s’adapter et s’accorder sur un « un bon usage de l’eau », tout en réduisant les forages agricoles dans les nappes. « La ressource eau et l’irrigation ne sont pas des sujets opposés. Ainsi, substituer à ces forages de nappes, des réseaux d’irrigation à partir de ressources plus pérennes quand elles existent, c’est possible. Plusieurs projets l’ont déjà démontré », explique le président. Ainsi préservées, les nappes peuvent réalimenter les rivières et protéger la biodiversité, un autre enjeu de taille. « L’eau doit donc devenir un sujet prioritaire à la fois sur le plan économique, agricole, touristique mais aussi de la biodiversité. Il faut pour cela que tous les acteurs prennent leur part de ce grand chantier », reprend-t-il.
L’eau, rendue à son milieu naturel
Sécuriser la ressource eau fait aussi partie des priorités. Mettre en place des interconnexions entre les réseaux est une solution à déployer, « à la manière des adducteurs de l’époque romaine. Pourquoi pas, cela fonctionnait bien », reprend Pierre Rampa. Mais l’une des principales préoccupations des Canalisateurs reste l’étanchéité des réseaux d’assainissement et la pollution des nappes. « Nous l’avons déjà dit, le sujet de la rénovation des réseaux d’assainissement n’est rien à côté de l’eau potable, alors que nous sommes très en retard sur ce sujet, il y aura beaucoup de travail à faire », rappelle-t-il.
Eau = énergie
On sait déjà, récupérer les calories de l’eau pour chauffer ou refroidir, produire de l’énergie grâce à la thermie des stations d’épuration, ou même, utiliser l’eau potable pour produire de l’énergie… Pour préserver la ressource, de nouvelles pistes existent aussi, comme réalimenter les nappes phréatiques en période d’eau abondante et pourquoi pas la stocker. « Je pense que la récupération des eaux pluviales, notamment avec des systèmes de stockage d’eau, pour ensuite les recycler dans les stations d’épuration et les réutiliser reste une excellente piste. Pour cela, les villes doivent aussi être moins étanches. Aujourd’hui, seul 1 % des eaux sont réutilisées en France, contre 10 % en Italie par exemple. Nous pensons que la réglementation doit évoluer dans ce sens », résume le président.
Le prix de l’eau, point de départ
La question du financement ne pouvait être éludée. Ainsi, « tout part du prix de l’eau », a rappelé Pierre Rampa. Enfin, de la facture de l’eau réglée à 80 % par le consommateur qui devra lui aussi mettre la main au porte-monnaie. Alors que les prix de l’énergie s’envolent, l’eau, avec une moyenne de 4 € le m3, reste désespérément le parent pauvre. « Il faut s’interroger sur l’augmentation du prix de l’eau en fonction de l’état du patrimoine et de la ressource, et en parler de manière pédagogique avec les gens. Leur expliquer qu’on ne peut pas avoir un patrimoine qui vaut 300 milliards d’euros et ne pas faire ce qu’il faut pour le renouveler », a-t-il rappelé.
« Notre priorité, c’est de redonner une place prépondérante à l’eau au même titre que l’énergie. Car finalement, de quoi peut-on se passer le plus facilement, de l’eau ou l’énergie ? » Voilà qui est dit.