Depuis des années, les Canalisateurs du Sud-Est alertent sur le faible taux de renouvellement des canalisations d’eau potable. Confrontés cet été à une crise hydrique sans précédent mettant en exergue nos infrastructures vieillissantes et fuyantes, le message est remonté jusqu’aux plus hautes instances de l’état. Reste à savoir si la mobilisation sera à la hauteur de l’urgence.
Les événements de cet été sont venus confirmer que l’eau est un bien indispensable et que nous pouvons en manquer. Le sud de l’Isère par exemple, a subi une sécheresse maximale et historique. « En tant que Canalisateurs, nous alertons depuis longtemps sur les pertes en eau potable et la nécessité de renouveler les réseaux vieillissants pour en améliorer le rendement. Nous sommes parfois entendus, parfois pas du tout », a une nouvelle fois rappelé lors d’une conférence de presse, Michel Réguillon, à la tête du syndicat qui représente les entreprises de pose de réseaux pour la région Sud-Est.
Prise de conscience et… actes
Ces fuites, aujourd’hui identifiables grâce aux outils et équipements disponibles, sont une source d’eau « à portée de main » a souligné le président. Il serait donc surtout question de financement et de politique volontariste dans ce domaine souvent délaissé car invisible. Les enjeux et la médiatisation au grand public ces dernières semaines appellent désormais à une prise de conscience du côté des collectivités et acteurs de l’eau.
L’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse avait d’ores et déjà commencé à soutenir un certain nombre de projets grâce à la mise en place d’un plan rebond d’aide aux collectivités suite à la crise du Covid. « Bien que nous n’ayons pas encore les données chiffrées, les investissements permis par ces aides exceptionnelles auront inévitablement un effet positif sur le taux de rendement de nos réseaux. De tels efforts sont à poursuivre, voire à intensifier et nous espérons que le 12e plan de l’Agence sera à la hauteur des enjeux (le 11e se termine en 2024) », a poursuivi Michel Réguillon. Il a également souligné l’importance d’avoir aujourd’hui une vision plus globale et à plus long terme de la gestion de l’eau, notamment pour développer des interconnexions, grâce notamment aux plans pluriannuels ou des schémas directeurs. « Ces initiatives permettent aujourd’hui aux entreprises de canalisations d’avoir un carnet de commandes fourni », a rappelé le président.
Un engagement en matière de décarbonation
En matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, les Canalisateurs se sont fixés des objectifs ambitieux. « Selon la loi de transition énergétique, nous visons -40 % en 2030 (par rapport à 1990) et la neutralité carbone à horizon 2050 », explique le président. « Le défi est de taille, admet-il. Pour autant, la profession déjà mobilisée autour de l’entretien des ouvrages et le renouvellement des réseaux, pour la préservation de l’eau, participe également à la réalisation d’ouvrages destinés aux transports bas carbone et mobilités douces (Tramway, hydrogène, etc.). En parallèle, sur les chantiers les entreprises ont également commencé à investir dans du matériel moins polluant, à prendre en compte le recyclage et réemploi des matériaux inertes, à privilégier les circuits courts quand cela est possible. »
Des besoins forts en recrutement
Le syndicat poursuit également sa mission d’information et d’éclairage de la conjoncture auprès de ses membres et partenaires, notamment en participant aux comités de bassin de l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse, et en organisant des réunions trimestrielles dans chaque département avec les entreprises. Parmi les sujets majeurs qui sont évoqués, la pénurie de main d’œuvre. « Nous connaissons les freins qui mettent à mal le recrutement dans notre profession, a expliqué de son côté Yves Bourdais, délégué régional PACA-Corse CSSE. Aujourd’hui, nous estimons nos besoins à 200 personnes supplémentaires par an sur les 5 prochaines années ! Nous mettons donc toutes les chances de notre côté en nous associant aux actions menées par la FRTP pour promouvoir l’emploi et la formation comme par exemple, les interventions dans les collèges, auprès des demandeurs d’emploi, dans les forums dédiés à l’orientation, en proposant des parcours de formation « sur mesure », en alternance, pour des personnes qui souhaiteraient se reconvertir »,
Enfin, le syndicat a dernièrement renouvelé son annuaire des adhérents à Canalisateurs du Sud-Est. Il est consultable en ligne, sur les sites internet de la FRTP AURA et de la FRTP PACA (onglet « La FRTP » puis « Syndicats de spécialités »). Un outil pour notamment faciliter les échanges.
Tout comprendre en 5 questions
La dernière action portée par les Canalisateurs du Sud-Est à avoir vu le jour est le livret « L’eau en 5 questions ». « Nous avons souhaité compiler nos messages dans un document synthétique et accessible à tous, pour qu’ils soient davantage entendus ! Nombre d’informations qui y sont présentées ont d’ailleurs été reprises par le gouvernement dernièrement. Ce document sera adressé à l’ensemble des collectivités locales de notre territoire », a à son tour relayé Stéphane Graupner, délégué régional Rhône-Alpes CSSE.
L’objectif de ce livret est de sensibiliser sur la gestion de l’eau, mettre en perspective l’utilisation de cette ressource et rappeler le rôle majeur que jouent les Canalisateurs dans la préservation de cet or bleu. « Sur la question n°1 par exemple, reprend Stéphane Graupner, les 420 000 L d’eau nécessaires à la fabrication d’une voiture incluent par exemple la fabrication des puces électronique, l’extraction des matériaux, etc. Et quand on sait que 32 L d’eau sont nécessaires pour fabriquer une puce ou qu’une tonne d’acier nécessite 20 000 L, le total grimpe vite pour construire une voiture. Si nous considérons seulement l’assemblage de la voiture, il faut compter entre 30 000 et 40 000 L d’eau (*). »
Des réponses adaptées
Pour conclure, Michel Réguillon a réaffirmé le rôle des Canalisateurs : « Nous avons les moyens techniques, le savoir-faire et les innovations pour accompagner les territoires face aux changements climatiques. Si les décisions publiques et politiques sont prises en faveur d’une meilleure gestion de l’eau, nous saurons répondre présents, comme nous l’avons toujours fait ! »
Les prochaines rencontres régionales de l’eau et de l’assainissement (le 7 octobre) ont d’ailleurs mis à l’ordre du jour la transition énergétique, avec deux thématiques techniques : les enjeux de la gestion du patrimoine pour un meilleur rendement des réseaux ; quand l’eau potable devient source d’énergie. L’occasion d’échanger entre Canalisateurs, maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrages.
*Les sources utilisées pour ces estimations sont WeEatWater, WaterFootPrint une étude du CSEN.