À l’heure où la ressource eau tend à se raréfier, conséquence du changement climatique, les Canalisateurs du Sud-Est ont mis en avant l’importance du renouvellement de ces réseaux, trop anciens et surtout, trop fuyants. Retour sur une journée riche de partages et de témoignages.
Si être invisible peut parfois avoir des avantage, à l’inverse, les Réseaux pâtissent d’être enterrés, voire, oubliés. C’est le combat des Canalisateurs, déterminés à rendre à César ce qui lui appartient ! Martelé depuis de nombreuses années, le thème du renouvellement des réseaux résonnait plus que jamais comme désormais une obligation lors de la journée des Canalisateurs Auvergne-Rhône-Alpes. Aujourd’hui rattrapés par les effets du changement climatique et les sécheresses de plus en plus fréquentes, nous sommes ainsi passés de la nécessité à l’urgence de ces travaux. Les Assises de l’eau sur le petit et le grand cycle de l’eau en août 2019, avaient dès lors acté une véritable prise de conscience.
« Il est nécessaire d’investir dans le renouvellement des réseaux ! a rappelé Denis Delhomme, administrateur de CINOV Ingénierie, à l’assistance composée d’entrepreneurs, élus locaux, représentants de la maitrise d’œuvre et de la maitrise d’ouvrage, rassemblés à Vichy (03) le 22 mars dernier, rappelant au passage que seulement 0,6 %* des réseaux sont renouvelés par an en France. Insuffisant. « A ce rythme, il faut 150 ans pour renouveler la totalité des réseaux ! » (*sources SISPEA 2019) », a-t-il souligné. Venu intervenir en tant que représentant des maitres d’œuvre, il s’est plus particulièrement tourné vers les collectivités, les encourageant à signer des accords-cadres, à faire appel aux cabinets d’ingénierie pour continuer à innover, trouver de nouveaux outils, rechercher les fuites… et investir dans le renouvellement des infrastructures en eau. « Les élus doivent faire de l’eau un pilier de leur politique ».
Depuis la crise sanitaire, le plan de relance national de 2021 a réactivé la nécessité de la sécurisation des réseaux. « Au niveau régional, c’est entre 20 et 25% de l’eau traitée qui repart dans la nature faute de renouvellement des réseaux ! », a repris de son côté Stéphane Graupner, délégué régional Rhône-Alpes Canalisateurs du Sud-Est, en soulignant avec Jean-Luc Garcia, président de Canalisateurs Auvergne le besoin de sécuriser la ressource en eau et ses financements.
Sécuriser les réseaux d’eau
Améliorer la performance des réseaux et mieux gérer la ressource en eau est possible grâce à l’apport de l’innovation. « La généralisation des détecteurs de fuite avec puces RFID et l’utilisation accentuée de logiciels de gestion prédictive viennent renforcer efficacement les outils actuels de surveillance (télégestion) et de comptages sectoriels », souligne François Liponne directeur général délégué au Cycle de l’Eau à Vichy Communauté, qui met l’accent sur la formation des agents qui permet de les impliquer sur des « métiers passion » en les faisant monter en compétence. L’agglomération de Vichy travaille également sur des nouveaux aménagements pour réduire la pollution des sols d’origine agricole, qui passe par des procédés innovants de filtration d’eau.
Gestion de l’eau collaborative, exemple
Avec la loi NOTRe, la gestion de l’eau est devenue compétence communautaire au 1erjanvier 2020. Loire Forez Agglomération (87 communes) par exemple hérite ainsi de 1 890 km de réseau, 140 réservoirs, 22 sites de forage et 40 stations de pompage sur un territoire où cohabitaient 47 gestionnaires de l’eau, avant le transfert de compétence… « Nous avons travaillé sur les dynamiques locales, ce qui a permis de réorganiser un modèle plus collaboratif entre les territoires », souligne Patrice Couchaud, Vice-Président de Loire-Forez Agglomération. Avec cette nouvelle organisation, la collectivité va harmoniser le prix de l’eau d’ici 2026. « Dans cinq ans, tous les abonnés paieront légèrement plus cher leur mètre cube d’eau. Cette légère hausse financera un plan d’investissement pluriannuel pour mettre à niveau nos infrastructures ! » souligne l’élu qui prévoit d’investir 5,7 M€ pour refaire ses canalisations les plus âgées.
Gestion de l’eau interconnectée, autre exemple
Avec un taux de rendement du réseau d’eau de 84 %, le département de l’Allier est au-dessus de la moyenne nationale (80 %). Selon François Liponne, directeur général délégué au Cycle de l’Eau à Vichy Communauté, ce « bon résultat » s’explique par la structuration très ancienne de la maîtrise d’ouvrage, surtout en secteur rural. Dès les années 50-60, les communes rurales se sont regroupées en syndicats de plusieurs dizaines de communes, ce qui leur a permis d’avoir la capacité technique de pouvoir gérer ses équipements et les maintenir en bon état. « Grâce à cette force de frappe collective, une dynamique forte de renouvellement des réseaux s’est engagée et le mouvement est bien en marche ! Le département a un rôle majeur dans l’aménagement technique » ajoute-il. Le Conseil Départemental de l’Allier prévoit en effet d’investir de 200 à 250 M€ pour les réseaux d’eau sur les 25 ans à venir : sécurisation, capacités de production supplémentaires, création de nouveaux réseaux avec gros diamètres pour amener l’eau à tout point du département avec groupes de pompage et réservoirs de secours. Du Val de Loire au Val d’Allier, du Val d’Allier au Val de Cher, le département sera interconnecté… en eau.
Revoir le prix de l’eau ?
Plusieurs autres organisations ont lancé leur schéma directeur d’alimentation en eau potable qui a permis de bâtir un programme pluriannuel d’investissement, suite à l’étude patrimoniale de leur réseau, comme le témoigne Guillaume Dauphant, Vice-Président du Syndicat Intercommunal d’Adduction d’Eau Potable Basse Limagne, dans le Puy de Dôme. Selon le Vice-Président du SIAEP Basse Limagne, le prix de l’eau et la communication qui en découle sont au cœur des problématiques. « Parler de prix de gestion de l’eau plutôt que du prix de l’eau serait plus juste ! Car cela permettrait de mettre de la valeur sur l’ensemble des acteurs de l’eau, entreprises, maitrise d’œuvre, maitrise d’ouvrage, élus locaux, régies et syndicats dont le travail de qualité demeure capital et encore trop inconnu, voire… invisible ! ».
Échanger, communiquer et partager
C’est l’enjeu des nécessaires échanges d’expériences à encourager entre collectivités au niveau national qui permettent de mutualiser les pratiques. C’est aussi l’enjeu de stratégies « Eau » récemment mises en place au niveau régional par plusieurs collectivités d’Auvergne-Rhône-Alpes engagées pour des territoires “Eau-Responsables” coordonnés par le Groupe de Recherche, Animation technique et Information sur l’Eau (GRAIE) et l’Association scientifique et technique pour l’eau et l’environnement (ASTEE).
La maitrise d’œuvre et l’action pédagogique constituent des fondamentaux dans la connaissance du réseau d’eau par les collectivités. « La généralisation de territoires “Eau-Responsables” à l’échelle régionale permettrait par exemple de retrouver une eau durable et saine, de recharger les nappes souterraines, d’améliorer la qualité de vie en zone urbaine et de mieux gérer le risque inondation, comme c’est le cas dans la vingtaine de territoires Eau Responsables actuels », souligne Patrice Couchaud. De bonnes réponses à l’urgence climatique !