Sur la problématique des fuites sur les réseaux d’eau potable, l’heure n’est plus au déni. Pourtant, face à l’enjeu majeur que représente la protection de la ressource, les investissements prévus notamment dans le cadre du Plan Eau, ne sont pas vraiment à la hauteur de la réalité de la vétusté et des pertes en eau du réseau. Les industriels du transport de l’eau et de l’assainissement, fédérés au sein de l’ITEA, regrettant cette disparité, ont mis sur la table certaines propositions et réflexions.
« Les investissements et les actions ne sont pas à la hauteur de l’enjeu », dixit une grande partie des acteurs de l’eau dont l’ITEA, le syndicat qui réunit les industriels du transport de l’eau et de l’assainissement. « C’est de notre patrimoine collectif dont nous parlons, lance Damien Verhee, secrétaire de l’ITEA. La problématique de performance des réseaux d’eau potable n’est malheureusement pas récente. Aujourd’hui en France, plus d’un litre sur 5 est perdu du fait des fuites sur un réseau qui s’étend sur près d’un million de km… »
Un déficit de moyens
En moyenne, le taux de renouvellement des réseaux est de 0,65 % par an. « Ce taux correspond à un renouvellement tous les 150 ans ! Alors que les canalisations sont faites pour durer entre 50 et 80 ans en fonction des matériaux et de leur entretien bien sûr, ce qui est déjà un vrai tour de force », souligne le secrétaire du syndicat. La solution passe alors par des moyens financiers supplémentaires pour réparer les réseaux. 180 millions d’euros ont ainsi été actés pour lutter contre les fuites dans le Plan Eau du gouvernement, mais devant l’ampleur des dégâts, la plupart des acteurs de l’eau s’accordent à considérer qu’il faudrait beaucoup, beaucoup plus. « Le déficit d’investissement annuel dans l’eau est de 2 milliards d’euros,alors il y a vraiment un problème d’échelle », assure-t-il.
Agir avec d’autres solutions
Dans tous ces chiffres, l’ITEA ne veut pas perdre de vue celui des pertes d’eau qui représentent chaque année 1 milliard de m3. « Nous sommes aujourd’hui confrontés à des sécheresses, reprend-t-il. En 2022, 550 communes ont été ravitaillées parce qu’elles n’avaient plus d’eau. La prise de conscience est brutale et nous touche tous. A l’ITEA, nous appelons à nous mobiliser face à la difficulté majeure que sera la rareté de la ressource. Outre le fait qu’il faut travailler à économiser la ressource, nous pensons qu’il faut passer de ces dépenses toxiques que sont les pertes en eau et qui ne cessent de s’accroître au regard de ce qu’on peut attendre de la préservation de la ressource, à un investissement vertueux. Car désormais, ce n’est plus seulement un problème économique. »
Cibler les dépenses
Au-delà des moyens plus importants, les industriels soutiennent également la proposition de Fonds Bleu. « Pour nous, reprend Damien Verhee, le Fonds bleu est un moyen de guider et d’encadrer les projets dans un objectif d’amélioration de l’état et des performances des réseaux. Nous devons sortir de cette vision unique de renouvellement lié à l’âge et aux performances des réseaux, il faut aussi considérer qu’il existe aujourd’hui des moyens techniques qui vont permettre de cibler les dépenses, grâce au monitoring, ou à la surveillance des réseaux. Dans cette approche déterminante, nous pouvons alors avoir un rôle actif aux côtés des collectivités, de l’état, pour conseiller des solutions qui sont aujourd’hui validées, matures et accessibles et qui permettront de changer ce paradigme. »
Une boucle vertueuse
En s’engageant dans cette démarche, l’ITEA souhaite également valoriser le savoir-faire de des industriels français qui continuent à privilégier une production de proximité dans les territoires et une relation forte avec les élus, « la clé de cette boucle vertueuse que nous souhaitons voire se mettre en place », poursuit le secrétaire du syndicat avant de souligner que le pays a aussi la chance de pouvoir compter sur des pôles de compétences et d’expertise de haut niveau. « Dès lors, faisons en sorte que le plan eau nous permette de franchir un cap, celui de la prise de conscience des élus face à leurs responsabilités en tant qu’acteurs. Et surtout, allons au bout de nos actions et mettons en face les moyens qui seront à la hauteur des enjeux, considérables », conclut-il.