Lors des dernières Rencontres régionales de l’Eau organisées par les Canalisateurs du Sud-Est, Nicolas Alban, directeur de la délégation territoriale de Lyon de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, s’est exprimé sur les défis qui attendent les acteurs de l’eau, et pour rappeler que le rôle de l’agence de l’eau est aussi de les accompagner et pas seulement de financer des projets.
Si 2023 est restée dans la continuité de l’année 2022, dans un contexte de fortes sécheresses et de forte inflation notamment des prix des matériaux et de la disponibilité financière, de la même manière, avec 450 millions d’investissements pour la région Rhône Méditerranée Corse, l’année 2023 a de nouveau été marquée par la forte mobilisation de l’agence de l’eau autour de nouveaux enjeux. La question de la sobriété s’est notamment invitée dans la réflexion et dans ce cadre, des subventions désormais accordées aux entreprises.
Les entreprises, elles aussi concernées
Invité à s’exprimer à l’occasion des Rencontres régionales organisées par les Canalisateurs du sud-Est à Saint-Vulbas (01), Nicolas Alban, directeur de la délégation territoriale de Lyon de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a expliqué la stratégie du bassin Rhône-Méditerranée face à un public composé d’entrepreneurs, élus locaux, et représentants de la maîtrise d’œuvre et d’ouvrage. « Habituellement, a-t-il expliqué, nous travaillons avec les industriels sur des sujets de pollution des eaux, économiser l’eau ne leur semblait pas une priorité au vu du prix d’eau. Mais à partir de 2022, certaines entreprises ont failli s’arrêter de produire par manque d’eau, montrant ainsi que l’eau n’était plus un problème de prix mais de rupture. »
La sobriété nouvelle donne
Comment réduire la consommation d’eau ? Comment s’en passer ? La question de la sobriété dans les entreprises a ainsi permis le lancement de nouveaux projets dont certains appels à projets très importants sont accompagnés par l’agence de l’eau, « des subventions qui se poursuivront en 2024 avec 20 millions d’euros en face », a ainsi confirmé Nicolas Alban. D’autres appels à projets importants sur la sécurisation comme les interconnexions en eau potable ont également mobilisé l’agence de l’eau. « Au début, les interconnexions représentaient 10 millions d’euros, mais pour répondre à la demande, nous avons multiplié par 4 l’enveloppe passant ainsi à 41 millions pour l’année 2023, avec 15 millions rien que pour la région Auvergne Rhône Alpes », a expliqué le directeur en confirmant le renouvellement de cet appel à projet pour des montants équivalents.
Un rôle d’accompagnateur
Mais Nicolas Alban a également insisté sur le rôle des agences de l’eau. «Avant d’être des financeurs, les agences de l’eau ont un rôle d’accompagnateurs, a-t-il ainsi rappelé à l’assistance. Il a également salué « la prise en compte de plus en plus d’élus du sujet de l’eau, face à une situation qu’il faut gérer dès à présent pour l’avenir ». Il a cité l’exemple d’une étude importante réalisée en 2023 sur les débits du Rhône à 2050 qui a montré que ses ressources, même si elles sont très importantes aujourd’hui, ne seront pas sans limite demain.
La réforme des redevances
L’une des réformes particulièrement attendues par l’agence de l’eau concerne les redevances basées sur la performance des systèmes et des services d’eau et d’assainissement qui vient d’être votée dans le cadre du programme du gouvernement pour 2025 à 2030. « Ainsi, à partir de 2025, plus les systèmes de dépollution et de prélèvement seront performants, moins vous paierez de redevance, lance Nicolas Alban à l’assemblée. Pour un effet mécanique sur l’incitation aux collectivités à améliorer la qualité de leur système, c’est-à-dire, la qualité de traitement des pollutions et l’amélioration de la performance de leurs réseaux, en réduisant les fuites. C’est quelque chose de très vertueux. » Ce système de nouvelle redevance va se cumuler avec une hausse progressive des redevances liées au plan Eau du gouvernement dans les années à venir afin d’apporter des moyens supplémentaires aux agences de l’eau. La réforme des redevances a depuis été publiée au JO le 30/12/2023.
Le 12e (nouveau) programme et la protection de la ressource
Dans les mois à venir, l’agence de l’eau présentera les grandes lignes du 12e programme pour être finalisé et adopté fin 2024. « Un nouveau programme qui restera dans la continuité des sujets déjà sur la table tels que les milieux naturels, les économies d’eau, l’adaptation au changement climatique, mais aussi, de nouveaux sujets comme la REUT, les micropolluants, a poursuivi Nicolas Alban. L’agence de l’eau est très attendue sur certains sujets sur lesquels nous devrons être en capacité de répondre comme celui sur la protection de la ressource par rapport aux pollutions et notamment les pollutions diffuses agricoles, car trop de producteurs d’eau potable se retrouvent dans cette gestion. »
D’autres sujets essentiels sont également à l’ordre du jour pour une action plus large sur tout le cycle de l’eau de l’agence de l’eau. « Aujourd’hui, nous avons un vrai défi à ralentir le cycle de l’eau, en infiltrant l’eau de pluie dans le sol là où elle tombe, et éventuellement permettre la réalimentation de la nappe », a-t-il poursuivi.
« Notre vrai combat commun, le prix de l’eau ! »
Les défis sont donc nombreux. Nicolas Alban a également tenu à aborder la question du prix de l’eau. « Il n’y aura pas d’aide pour ceux qui bradent l’eau, ni pour ceux qui ne font pas l’effort de connaître leur réseau, leur rendement ou les performances de leurs stations d’épuration », a-t-il souligné. Car l’agence de l’eau prône un prix de l’eau juste, celui d’un service. « Les canalisations, l’entretien de l’eau, les services d’eau potable, comme celui de l’assainissement, tous cela doit être payé par le prix de l’eau. Il n’est pas possible de compter sur les autres pour payer un service aux usagers directement rendu par les factures d’eau. Le rôle de l’agence de l’eau n’est pas non plus de combler systématiquement le manque d’investissement dans les réseaux mais plutôt d’aider les territoires ruraux les plus fragiles. Toutefois, nous avons un rôle d’accompagnant à apporter aux producteurs d’eau potable, responsables d’assainissement, collectivités, notamment pour des réflexions autour de la tarification progressive ou les schémas directeurs », a expliqué le représentant de l’agence de l’eau.