Conscients des enjeux environnementaux et du coût que représente la décarbonation pour les petites et moyennes entreprises du secteur des infrastructures numériques, la fédération Infranum avec ses adhérents de premier plan comme le Groupe Firalp ou Axiome, appellent à plus de solidarité pour éviter de créer des exclus par manque de moyens. Pour que tous les acteurs s’engagent à réduire leurs émissions de GES, le lyonnais Firalp s’inscrivant déjà dans ce processus, souhaite partager son expérience.
Plusieurs acteurs des infrastructures numériques soutenus par leur fédération Infranum, avaient répondu à l’invitation du Groupe Firalp (69) pour évoquer l’enjeu de la décarbonation de la filière face une réglementation qui pourrait mettre de côté des entreprises aux reins moins solides.
La réalité des chiffres donne déjà l’ampleur du chantier de la décarbonation. Il s’avère que 79 % de l’empreinte carbone du numérique provient d’abord des équipements (ordinateurs, liaisons bande passante), les centres de stockage de données 16 % et les réseaux 5 %. « Seulement 5 %. Pour autant, la filière des infrastructures numériques a un rôle à jouer, plus particulièrement dans sa transition énergétique », rappelle Paul le Dantec du cabinet Ekho, spécialisé en stratégie RSE.
Anticiper pour ne pas subir
Voilà maintenant plus de 3 ans que le groupe Firalp a fait le pari de réduire le bilan carbone de ses activités, la construction et la maintenance de réseaux électriques, gaz et numériques. En mesurant ses émissions et afin d’être le plus transparent possible, les 3 scopes ont été pris en compte (émissions directes et indirectes), des mesures qui ont permis de fixer des objectifs : -10%de réduction des GES à 2025 et – 20 % en 2030. Cet engagement s’appuie pour cela sur plusieurs leviers, des outils, la mise en œuvre d’une méthodologie, mais aussi et surtout, des investissements financiers importants. « Des moyens indispensables mais nécessaires si l’on veut rester cohérent avec ses aspirations et respecter l’environnement », juge Bertrand Alloin, président du directoire de Firalp, devant l’assemblée réunie au siège de l’entreprise, à Lachassagne, près de Lyon.
Mettre les moyens en face des besoins
Pour atteindre ses objectifs, Firalp a choisi de jouer sur ce qui impacte fortement, sa mobilité. En passant à l’électrique tous les véhicules légers pour commencer, ainsi que sur ses chantiers, des engins innovants à énergie alternative, des nacelles bi-énergie par exemple ou encore, des matériels électroportatifs, en privilégiant les achats responsables auprès de ses prestataires, même si à priori Firalp remarque que l’offre est encore maigre. « Sachant que l’impact du génie civil est important, nous avons également pris des mesures pour faire moins rouler les camions sur les chantiers, en essayant de mettre en place une réutilisation du déblais/remblais sur place lorsque c’est possible, ce qui réduit de façon importante l’impact sur l’environnement et qui finalement, s’avère être plus économique. C’est une démarche gagnante-gagnante, mais il faut que les décideurs et payeurs publics l’acceptent et l’intègrent dans leurs appels d’offre », ajoute de son côté Emmanuel Martin, directeur général adjoint chez Firalp qui n’élude surtout le fait que comme toute entreprise, la rentabilité reste une priorité pour sa pérennité. « Nous devons déterminer une équation économique à la fois respectable pour nous et qui apportera aussi satisfaction à nos clients », a-t-il souligné.
Agir pour le climat, une action collective
« L’étude réalisée par l’Ademe et l’Arcep visant à évaluer l’empreinte environnementale du numérique en 2020, 2030 et 2050 a mis en avant une tendance évolutive de 45 % des GES à horizon 2030, et triple à horizon 2050 », a rappelé Paul le Dantec. À partir de 2026, les cahiers des charges des marchés publics introduiront les premiers critères environnementaux obligatoires. « Il sera alors nécessaire d’afficher ses ambitions en matière de réduction des émissions pour pouvoir y répondre », rappelle-t-il. Pour pouvoir mesurer cette empreinte carbone, Firalp a développé en partenariat avec Tristan Bientz du cabinet de conseil Oksigen, une calculette, la Carboptim. Un outil qui permettra de déterminer en amont les émissions de GES générées par l’intervention, ainsi que le coût associé. « Un outil d’aide à la décision qui permet d’anticiper et d’être en mesure de communiquer un impact aux clients ! », a souligné le responsable du projet.
Se préparer pour demain
Selon Antoine Darodes, de la Caisse des Dépôts Banque des Territoires, la filière devra pouvoir répondre aux grands projets liés au numérique qui se préparent : « Que ce soit pour des projets d’installation de bornes de recharge des voitures, les unités de méthanisation, soit pour répondre notamment aux projets autour des alternatives énergétiques, les interventions elles aussi, devront répondre à la stratégie globale d’amélioration pour la transition écologique suivie par les territoires. »
Aujourd’hui, les objectifs ne sont pas toujours alignés, il faudra trouver un équilibre. « Mais le numérique, ce n’est pas que des émissions. C’est à la fois un problème et une solution sous l’angle environnemental. Pour tenir les objectifs de diminution des émissions à 2030 fixés, il faudra de toute manière investir et pouvoir cocher toutes les cases environnement », a averti Bertrand Ghez, directeur général adjoint du Crédit Mutuel Impact
Partage d’expériences et de moyens
Alors comment les grandes structures plus avancées sur le sujet vont pouvoir aider les plus petites ? « La décarbonation n’est pas un sujet facile à traiter et représente un coût important, mais elle est nécessaire, a ajouté Éric Jammaron, rapporteur de la Mission Numérique & Environnement d’InfraNum et Président d’Axione. Notre rôle aujourd’hui est d’aider les petites et moyennes entreprises à se lancer car je crois beaucoup à cet effet d’entrainement. Pour cela, il faut être dans le concret. C’est pour cela que nous allons leur fournir des outils, de la méthodologie et des financementspour qu’ils puissent se projeter à plus long terme. »
Il s’agira également de conseil, notamment grâce à Infranum qui a mis en place un guide des bonnes pratiques, mais également pour décrypter et comprendre l’impact d’une législation qui évolue régulièrement. Sans oublier le sujet économique qui ne doit pas faire peur.