Alors que 2050 marquera pour les TP la fin d’une échéance, celle de la décarbonation des chantiers, les entreprises de travaux de pose et de réhabilitation de canalisation devront appréhender d’autres évolutions, notamment celles apportées par la robotisation ou les technologies numériques, Big Data, BIM, connectivité, intelligence artificielle (IA). Comment les différentes commissions du syndicat des Canalisateurs ont imaginé le chantier de 2050 ? Avec quels impacts sur la construction des réseaux, le métier ? Place au futur.
Du côté de la commission Réseaux secs qui représente la distribution de gaz (et hydrocarbures), le Transport et la Thermie, secteur au centre de la transition énergétique, l’objectif annoncé pour 2050 est 100 % d’énergie renouvelable. Pour atteindre cet objectif, GRDF investit chaque année 150 millions d’euros pour adapter le réseau et atteindre en 2050, 100 % de gaz vert, « pilier » de la décarbonation des énergies en France. Les Canalisateurs ont rappelé leur rôle de partenaires dans cette modernisation des réseaux mais aussi, de garants de la sécurité, socle de l’activité. Avec le développement de matériaux biosourcés ou le déploiement de PE enrubanné, des techniques sans tranchée comme le tubage, ou le PRCS (plan de rue simplifié) qui permettra d’avoir des réseaux bien cartographiés, alors qu’ils devront également transporter d’autres fluides comme l’hydrogène ou même raccorder les usines de méthanisation pour le gaz vert. Des réseaux de transports qui devraient donc continuer à jouer un rôle essentiel notamment pour éviter une saturation du réseau de distribution. L’IA sera également intégrée pour une automatisation/mécanisation des process, tout comme l’utilisation de nouveaux matériaux composites qui pourront accepter de plus fortes pressions.
« Nous sommes à l’aube d’une nouvelle révolution du gaz, avec des bonnes perspectives si les bonnes décisions collectives sont prises, notre enjeu sera sans doute de recruter le personnel pour réaliser ces travaux et cela même si la mécanisation progresse sur les chantiers », a rappelé le président de la commission.
100 % d’énergie renouvelable
Alors que les réseaux de thermie, principalement les réseaux de chaleur, ont déjà commencé leur mutation avec l’objectif d’atteindre 1600 réseaux à 2030 (1000 aujourd’hui), à l’avenir, l’acier devrait également laisser la place à plus de mixité dans les matériaux (PEHD ou fibre), alimentés par toujours plus d’énergies renouvelables issues de la biomasse, géothermie, récupération de chaleur, eaux usées, … dans un système énergétique global grâce aux outils numérique, avec des températures de plus en plus basses et des centres de production délocalisés et de plus petite taille où les échanges thermiques seront plus nombreux. Les équipes seront composées de techniciens spécialisés en électronique, les tuyaux sont équipés de capteurs intégrés, des robots remplacent les hommes, les outils mécanisés s’adaptent aux conditions…
« Nous sommes dans le contrôle et moins dans l’exécution. Mais la vraie question, c’est qu’est-ce que l’IA va apporter aux réseaux de thermie ? Un système à double flux, la sécurité des équipes, la simplification et la productivité, de nouvelles techniques de robotisation… pour quelle perte de savoir humain ? » a également souligné la commission Thermie.
Objectif : préserver l’environnement
« Du chantier 4.0, la commission Environnement a imaginé pour 2050, un chantier 4 X zéro, pour 0 énergies fossiles, 0 ressources naturelles extraites, 0 déchets ultimes et 0 nuisances à l’environnement. Résultat : le chantier ressemblerait à une véritable oasis écologique », a présenté le président de la commission.
Comment ? Avec l’utilisation d’engins électriques, ou pas, mais en tout cas, décarbonés et silencieux pour répondre aux objectifs de neutralité carbone, mais aussi, adaptés aux métiers, durables en termes d’approvisionnement et soutenables économiquement. En valorisant tous les déchets y compris les eaux de rejet, l’objectif zéro ressource naturelle extraite s’appuiera sur l’économie circulaire, la réutilisation et le recyclage des déchets de la construction en circuit fermé pour un chantier zéro déchet, tout en veillant à prolonger la durée de vie des infrastructures. Un chantier autonome en énergie, avec des murs végétalisés sur les palissades, des bases de vies et une meilleure qualité de l’air, … et pourquoi pas, des drones pour monitorer en temps réel le chantier afin d’améliorer la biodiversité locale, des robots autonomes pour ranger et nettoyer chaque jour le chantier, des nanotechnologies révolutionnaires pour les travaux sur réseaux visitables et non visitables ainsi que la réfection de voirie. Sans oublier, les technologies comme l’IA, l’impression 3D, les jumeaux numériques, l’utilisation de matériaux biosourcés, … en veillant à sensibiliser les travailleurs et opérateurs aux enjeux, des chantiers où la nature serait préservée.
L’impact de l’IA sur la qualité des travaux
Pour la commission Qualité, les évolutions technologiques, la robotique, l’IA ou la réalité augmentée amélioreront la sécurité et la qualité des travaux. Des robots pour creuser des tranchées, plus précis et rapides, réduisant la pénibilité pour une meilleure sécurité des opérateurs. Des drones pour l’inspection des sites pour un suivi des travaux en temps réel. Le traitement de toutes les données avec l’IA pour optimiser la réalisation des chantiers. La réalité augmentée pour une visualisation des réseaux en temps réel avec une cartographie de plus en plus précise de l’encombrement des réseaux. Grâce à un autocontrôle instantané, voire des actions correctives immédiates et donc un contrôle qualité automatique, les travaux seront mieux réalisés et les réseaux mieux conçus pour une meilleure exploitation et suivi du vieillissement. « La maitrise des données devrait également faciliter les futurs projets et assurer une conduite de service grâce à des entreprises engagées et reconnues à travers le label Canalisateurs », a de son côté rappelé la commission Qualité.
Des gains en sécurité
Sur le plan de la Prévention, la commission du syndicat suit déjà la feuille de route imposée par Alain Grizaud, président de la FNTP, le zéro accident mortel. En 2050, les systèmes anti collision embarqués seront incontournables et de nouvelles exigences règlementaires en matière d’exposition amélioreront la qualité de vie sur les chantiers. Des engins électriques et électro commandés déposeront dans la tranchée les tuyaux réalisés en impression 3D en usine, sur mesure, qui s’emboiteront facilement, les camions ne tourneront plus pour les déblais, des systèmes de brumisation automatiques éviteront les poussières dans l’air…
« En réduisant toutes les problématiques, on réduit les risques d’accidents mais aussi le nombre de salariés sur le terrain puisqu’ils gèreront le chantier à distance, ils ne font plus les mêmes métiers. Mais on peut également imaginer un chantier réalisé sous une bulle, pour se prémunir des poussières, des fortes chaleurs, de la pénibilité et des nuisances aux riverains », a souligné le président de la commission Prévention.
Les canalisateurs et le sans-tranchée
Les techniques de réhabilitation sans tranchée (tubage, gainage, coque…) ne représentent aujourd’hui qu’environ 5 % des travaux réalisés sur l’assainissement, soit 500 km/an bien que reconnues comme particulièrement avantageuses au niveau économique et environnemental. Et alors que le critère économique pèse dans le choix de la plupart des appels d’offres, la commission sans tranchée mise toutefois sur une progression qui en 2050 atteindra une part de 30 %, notamment parce que le critère environnemental aura alors pris l’ascendant. Cette appropriation du sans tranchée devrait s’accompagner d’une évolution au niveau des techniques mais aussi des matériaux avec des gaines en matériaux bio sourcés, et pourquoi pas autoréparables. L’intégration de capteurs pourra aussi permettre de remonter des informations.
« De plus en plus, les canalisateurs seront dans l’anticipation et pas seulement dans le curatif. En 2050, ils seront formés aux nouvelles technologies pour gagner en compétences, être plus performants et plus efficaces, car nous aurons toujours besoin des hommes. Pour préparer cette montée en compétence et en technologie, la FNTP va mettre en place le certificat de qualification professionnelle (CQP) pour le sans tranchée. Un argument fort pour attirer les talents de demain », juge le président de la commission Sans Tranchée.
La réflexion sur le chantier de 2050 aura amené beaucoup d’interrogations sur les métiers de demain qui, même s’ils se transforment, si les techniques évoluent, les canalisateurs seront sur le chantier ou ailleurs, mais toujours aux commandes.