Les bonnes résolutions sont décidément difficiles à tenir. Voilà de nombreuses années que les Canalisateurs attendaient une vraie prise de conscience. Elle n’aura finalement pas été à la hauteur des besoins de renouvellement des conduites d’eau potable, alors même que les crises de l’eau se succèdent. Une situation incohérente dénoncée par Michel Réguillon, président des Canalisateurs du Sud-Est, qui observe (déjà) un ralentissement de l’activité pour 2024.
Lors de son dernier point presse annuel, Michel Réguillon, président des Canalisateurs du Sud-Est, a fait le bilan et évoqué les perspectives pour 2024. « Il y a 10 ans, nous étions considérés comme des entreprises qui voulaient développer leur activité de poseur, débute-t-il. Aujourd’hui, nous avons évolué et nous sommes reconnus comme des partenaires. Ainsi, une collectivité qui souhaite augmenter son taux de rendement, et donc diminuer son niveau de fuites, n’a pas d’autres solutions que de rénover ses tuyaux. Elle se tournera alors vers nous pour leur garantir le bon choix des matériaux et la pérennité de la pose, soit entre 80 et 100 ans. » Avec 130 adhérents, le syndicat des Canalisateurs du Sud-Est qui rassemblent deux régions, Rhône-Alpes et PACA, est aussi l’un des plus anciens.
Des financements insuffisants
« Le meilleur ami du taux de rendement a été le Covid », lançait Michel Réguillon. Malgré l’encourageant Plan Eau révélé en mars dernier, les dispositifs financiers annoncés pour la préservation de la ressource n’ont finalement concerné qu’une seule mesure pour le petit cycle de l’eau, soit une enveloppe de 180 millions d’euros. « Ces aides sont principalement dédiées aux 170 communes dont le taux de rendement est inférieur à 50 %, explique-t-il. Ce qui veut dire que les communes qui affichent un taux entre 50 et 80 % n’auront rien. Alors que durant la pandémie de 2020, le plan de rebond Eau et le plan de relance qui ont représenté 500 millions d’euros avaient permis un début du renouvellement des réseaux sur le petit cycle de l’eau. Aujourd’hui, avec 180 M€, nous sommes bien loin des 2 milliards d’euros par an estimés qu’il faudrait investir. »
Sur le terrain, des chantiers à la peine
Malgré une prise de conscience générale, les Canalisateurs sont pourtant confrontés aujourd’hui à un ralentissement de la commande publique sur le renouvellement des réseaux. « Un paradoxe complet ! lance le président. Alors que nous venons de vivre 6 à 8 mois de carnets de commandes pleins, nous allons devoir nous préparer à une année 2024 aux perspectives incertaines. » En cause, les investissements des collectivités que Michel Réguillon estime trop timides. « Nous avons le sentiment que les élus ne sont pas prêts à endetter leur collectivité sur 20 ou 30 ans, comme ils le disent « au regard des générations futures ». Mais c’est un faux débat, parce que nous ne pouvons pas non plus laisser à ces générations futures, des réseaux qui sont des passoires », insiste-t-il.
Partenaires des collectivités
Le président a également mis en exergue certaines difficultés rapportées par les collectivités comme la hausse du prix de l’énergie ou des effectifs insuffisants sur le terrain conséquence du télétravail. « Pourtant, les besoins sont là, et les marchés aussi, déplore Michel Réguillon, rappelant que les Canalisateurs vivent aussi ces mêmes réalités. « Une hausse du prix de l’énergie mais surtout, des matières premières. Notre profession pose des tuyaux qui sont à 80 % en fonte, un matériau qui entre 2022 et 2023 a pris 100 % d’augmentation. Une hausse inévitablement répercutée auprès des maitres d’ouvrage qui parfois ont du mal à l’accepter Mais aujourd’hui on peut juste espérer au mieux que les prix stagnent. Notre dernier sujet d’inquiétudes reste encore le délai de paiement qui se dégrade ces derniers mois d’une façon importante. Il serait sans doute nécessaire de refaire un point avec nos clients, les collectivités, autour des enjeux de l’eau, de la nécessité d’investir, de réfléchir au vrai prix de l’eau, et de rappeler que nous sommes avant tout des partenaires. »
Acteurs de la transition écologique
Partenaires des collectivités mais aussi, acteurs de la transition écologique, les Canalisateurs en ont aussi fait une priorité en réalisant des chantiers avec des matériaux bas carbone, des machines moins polluantes, et des déchets valorisés. « Nous avons dernièrement initié dans ce sens un nouveau modèle de valorisation pour le recyclage des chutes de tuyaux en PE, PVC et PEHD qui jusqu’ici était expérimenté en Isère, et qui désormais sera déployé sur l’ensemble du territoire. L’économie d’émission de CO2 réalisée est estimée à 200 tonnes/an. Un autre exemple avec le développement par la FNTP, d’un logiciel éco comparateur, le SEVE-TP, avec un module dédié aux canalisateurs qui leur permettra de calculer les émissions de CO2 des chantiers, avec des variantes de comparaison. » Aujourd’hui en cours de finalisation, le logiciel sera également mis à la disposition des collectivités. « Nous estimons que, environ 80 % de nos maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrages travailleront avec cet éco comparateur », révèle Michel Réguillon.
Une visibilité à plus long terme
Ces dernières années, la profession s’était mise en ordre de bataille pour pouvoir répondre aux besoins. « Si la situation n’évolue pas, elle pourrait devenir préoccupante pour les emplois », alerte Michel Réguillon. Alors que les projets d’infrastructures pour l’énergie et la transition énergétique battent leur plein et que l’eau est devenue un enjeu national, les Canalisateurs sont persuadés que de nouvelles perspectives dans la continuité du Plan Eau du gouvernement seront possibles dans le cadre 12e programme de l’agence de l’eau pour la période 2025 à 2030. « En remettant en avant le petit cycle de l’eau et le renouvellement des réseaux, des points qui avaient été occultés du 11e programme, les agences de l’eau donneront alors un signal fort aux collectivités qui ont aussi besoin d’être guidés. Ce serait là un message positif, et l’assurance d’une activité pérenne et régulière pour nos entreprises pour au moins 5 ans », estime le président.